Hildegarde de Bingen : naturopathe avant l’heure

L’approche holistique d’Hildegarde de Bingen : la santé comme un tout indissociable

Gravure d'Hildegarde de Bingen

La naturopathie contemporaine, telle qu’elle est connue et pratiquée, s’inspire de nombreux savants comme Hippocrate ou Galien, des scientifiques du monde antique. Cependant, venue du haut Moyen-Âge, une abbesse à la fois prophète et savante met en exergue une approche holistique de la santé pleine de bon sens. Nous allons voir dans cet article, de quelle manière  Hildegarde de Bingen envisage une vie plus saine en considérant la personne humaine comme un tout. Ainsi,  l’approche multiple de la grande bénédictine fait écho aujourd’hui à notre quête d’une meilleure santé fondée sur l’harmonie entre le corps et  l’esprit.

La démarche thérapeutique holistique de la célèbre moniale

La femme au Moyen-Âge

Dans le haut Moyen-Âge, à l’époque d’Hildegarde de Bingen, née en 1098 et morte en 1179, seules les femmes issues de familles nobles peuvent « être vouées au service de Dieu » par leurs parents. Elles entrent ainsi, très jeunes, au monastère pour y recevoir une solide instruction leur permettant de rivaliser de savoir avec les moines les plus érudits. Ainsi, seul le couvent, en dehors du mariage, permet à ces femmes nobles d’obtenir une certaine reconnaissance de la société médiévale.

La vie inspirée d’Hildegarde de Bingen

C’est ainsi que la petite Hildegarde, dès l’âge de 8 ans, part avec Jutta von Sponheim au couvent des bénédictines de Disibodenberg. La fillette y apprend l’écriture, la lecture et la musique. Jutta et Hildegarde tissent les liens d’une profonde amitié. D’ailleurs, la jeune moniale confie régulièrement ses visions à son amie, de seulement 7 ans son aînée. 

À 15 ans, elle reçoit le voile. Lorsqu’en 1136, Jutta décède, Hildegarde est tout naturellement désignée pour lui succéder puis devient abbesse deux ans plus tard. Partageant son temps entre le travail religieux, intellectuel et médical, l’érudite finit par être considérée comme la première naturaliste d’Allemagne. Elle devient même l’un des médecins les plus éclairés de son temps grâce à son double don de voyance et de guérisseuse.

Les différents aspects de l’existence humaine

Tout comme Hippocrate, le père de la médecine holistique, Hildegarde considère la santé comme un tout indissociable. En effet : 

Ainsi, sa conception nouvelle de la santé lui enjoint de soigner l’Homme dans toutes ses dimensions, elle pense que « l’on ne peut guérir le corps sans guérir l’âme et l’esprit ». Dans son approche thérapeutique holistique, l’existence humaine revêt quatre aspects : 

L’aspect cosmique

L’Homme, faisant partie intégrante du cosmos, subit l’influence permanente des quatre éléments cosmiques : l’air, le feu, l’eau et la terre. Chaque élément résulte de la combinaison de quatre énergies élémentaires (le sec, le chaud, le froid et l’humide). Par conséquent, l’harmonie du cosmos, tout comme la santé de l’Homme, est tributaire de l’équilibre entre ces éléments et ces énergies élémentaires. Cette théorie fondamentale n’est pas la découverte d’Hildegarde de Bingen puisqu’elle  a d’abord été partagée par plusieurs médecins de l’Antiquité et du Moyen-Âge comme Hippocrate et Paracelse. 

L’aspect divin

Hildegarde, qui est avant tout bénédictine et qui voue, ne l’oublions pas, sa vie à  Dieu, considère que Ce dernier occupe une place prépondérante dans chaque processus de guérison : la maladie peut survenir si le chrétien perd la foi ! En revanche, le retour à Dieu peut lui sauver la vie.

L’aspect physique

Selon la théorie holistique hildegardienne, « quatre humeurs » s’écoulent dans le sang du corps humain. On retrouve d’ailleurs, ici, l’un des principes de base de la médecine médiévale. Cependant, l’abbesse y apporte sa nuance, à savoir que les humeurs les plus importantes sont appelées « flegmes » et les deux autres « liqueurs ». Pour jouir d’une bonne santé, les humeurs doivent être réparties harmonieusement. Si, au contraire, une humeur « déborde », elle crée un déséquilibre amenant une maladie physique ou mentale.

L’aspect psychique

Pionnière de la médecine psychosomatique, Hildegarde décrit 35 strates de l’inconscient. Chacune de ces strates représente en fait un couple vice/vertu. Le vice constituant un facteur de risque moral pathogène est toujours associé à son principe moral curatif de défense, à savoir la vertu. De plus, elle considère qu’un déficit de qualités morales peut engendrer des maladies psychiques. Elle va encore plus loin en soutenant que ce déficit en qualités morales peut tout aussi bien être provoqué par des facteurs endogènes (frustrations, stress, conflits personnels…) ou exogènes (démons, puissances diaboliques…).

L’art de vivre hildegardien

Ainsi, dans la vision thérapeutique  holistique d’Hildegarde, on se rend bien compte maintenant que « tout agit sur tout ». Si l’on est malade, c’est qu’on a fait quelque chose de mal dans sa vie. Par conséquent, pour aller mieux, il est nécessaire de changer ses habitudes. Chacun et chacune est ici responsable de sa santé et doit agir jour après jour pour assurer son bien-être. Cet art de vivre nous parle encore aujourd’hui  et se trouve mis en avant par tous les naturopathes.

L’alimentation thérapeutique

« Nous sommes ce que nous mangeons. »

Les aliments, d’après Hildegarde, doivent être nos remèdes. Aussi incroyable que cela puisse paraître, dès le XIIe siècle, la guérisseuse avait déjà établi de nombreux principes alimentaires préconisés par tous les naturopathes contemporains ! Entre autre, privilégier la consommation de protéines végétales qui sont mieux utilisées par notre métabolisme, et mieux assimilées par notre écosystème intestinal. Sans exclure totalement la viande ou le poisson, qui doivent être consommés en quantité raisonnable, elle recommande toujours la juste mesure. En effet, Hildegarde considère que les excès alimentaires et de boissons causent de nombreuses maladies.

Les pierres et les minéraux

Outre les bienfaits d’une alimentation saine et raisonnée, la moniale intégre plusieurs pierres précieuses dans ses remèdes. Pour elle, les minéraux et les pierres précieuses constituent la matière la plus stable de l’univers et, à ce titre, elles sont douées d’une énergie utile et curative. Cinq gemmes trouvent particulièrement grâce à ses yeux, elle s’en sert d’ailleurs pour élaborer de précieux remèdes.

L’émeraude

Hildegarde recommande cette belle pierre verte pour détoxifier physiquement et psychiquement. Elle désacidifie aussi l’organisme et combat diverses douleurs telles que les rhumatismes ou les maux de tête. Elle équilibre aussi la zone du cœur.

La topaze

Cette pierre jaune, parfois rose ou verte, permet de prévenir certains empoisonnements. Le vin de topaze, est recommandé en cas de faiblesse de la vision occasionnée par la cataracte, un glaucome ou de l’hypertension oculaire.

L’améthyste

Cette sublime pierre violette a une action thérapeutique sur la peau : selon Hildegarde, elle est très efficace contre les coups, les enflures, les hématomes, mais aussi contre les kystes synoviaux, les verrues, les taches brunes et même les piqûres d’araignée !

L’ambre

Cette résine de pin fossilisé d’une douce couleur mordorée est recommandée par Hildegarde pour soulager les maux d’estomac.

La calcédoine

Ces petits cristaux de quartz sont considérés comme la pierre des orateurs : en la léchant, donne fermeté et courage à quiconque souhaite prononcer un discours. Aujourd’hui, d’ailleurs, en lithothérapie, on avance que cette pierre rose supprime le stress et adoucit l’humeur.

Le chant et la musique

La musique, dans l’art de vivre hildegardien, permet de reconnecter l’Homme à sa réalité spirituelle. La  « symphonie de l’âme », est l’expression même du divin et, si elle peut élever l’âme, elle peut aussi être utilisée à des fins thérapeutiques. Ainsi, l’œuvre musicale de la moniale, conservée dans un manuscrit intitulé « La Symphonie des Harmonies célestes », est presque aussi riche que l’ensemble de ses remèdes. Là aussi, Hildegarde fait preuve d’une grande perspicacité quant aux bienfaits de la musique, et de l’art en général, sur le bien-être du corps et de l’esprit. En effet, la musicothérapie aujourd’hui, fait partie intégrante des « arts-thérapies ». Qui n’a jamais senti son niveau de stress diminuer en écoutant une sonate de Chopin, ou son anxiété monter en entendant les premières mesures du générique des Dents de la mer ?

Aujourd’hui encore, les œuvres musicales de la bénédictine sont jouées : laissez-vous porter par ces notes et ces voix célestes propices à la méditation.

Quelques recettes hildegardiennes

Sources :

https://shs.cairn.info/revue-allemagne-d-aujourd-hui-2018-2-page-45?lang=fr

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